Journée des garagistes suisses 2020
« La tendance à la mobilité sans énergie fossile va se poursuivre »
2 decembre 2019 agvs-upsa.ch – Pour le politologue Claude Longchamp, l’intensité des débats sur le climat était imprévisible. Il lui paraît cependant évident que le changement climatique et le défi qu’il représente à l’échelle mondiale auront des conséquences sur la branche automobile: ils redéfinissent l’offre.
kro. Claude Longchamp, vous allez intervenir sur les tendances sociétales et leurs répercussions sur la branche automobile lors de la prochaine Journée des garagistes suisses. Quelle importance les débats sur le climat revêtent-ils pour la branche automobile?
Claude Longchamp: Ils sont importants, c’est certain. Il s’agit là d’une problématique mondiale qui influence la politique aux échelles nationale et internationale. Elle va redéfinir l’offre de l’industrie automobile. La politique, quant à elle, va redéfinir les conditions-cadres pour les producteurs et les consommateurs.
Quels sont les éléments nécessaires pour qu’une tendance marque la société ?
Les tendances sont de nouvelles conceptions qui déclenchent une évolution jusque-là imprévisible. Les tendances sociétales, par conséquent, sont des changements de perception qui touchent la cohabitation. La durabilité des changements et le nombre de personnes qu’ils touchent, par exemple, en sont des éléments déterminants. À cela s’ajoutent les acteurs du changement, qui désirent l’accélérer ou le freiner.
Est-il possible de repérer les tendances dès leur émergence ? Si oui, comment ?
Oui et non. La détection précoce s’occupe de l’observation de nouvelles tendances. Elle se concentre sur des domaines particulièrement sensibles, tels que la science, ou sur des acteurs doués d’une grande assertivité, tels que les médias, le Gouvernement et le Parlement. La difficulté consiste à évaluer la durabilité des changements. Il ne s’agit pas nécessairement d’une évolution de l’opinion publique, mais plutôt de changements structurels. La plupart du temps, il s’agit d’une évolution des valeurs, formée d’une suite de transformations dont les conséquences ne sont pas claires.
Quel rôle les médias jouent-ils quand il s’agit de déterminer si une tendance va se poursuivre ou s’éteindre ?
Le rôle des médias de masse est de rendre publiques les transformations pour qu’elles deviennent négociables par la sphère politique et par la société. Les médias jouent cependant selon leurs propres règles : ils sont versatiles, repèrent rapidement les tendances mais s’en détournent très vite lorsqu’un nouveau cycle de transformations émerge. Les médias sont avant tout pertinents quand il s’agit de thèmes prédominants. Ils amplifient alors clairement la tendance : un effet bienvenu dans le cas de problèmes trop vite évincés, mais parfois importun dans le cas de problèmes évidents. Cela présuppose que l’utilisateur soit ouvert à l’information mais critique vis-à-vis des médias.
Que peut faire le garagiste lambda pour se préparer aux transformations à venir ? Il n’a pas le temps de s’occuper des tendances et de leur évolution.
En effet, mais tout bon entrepreneur sait qu’il doit observer le terrain, surtout quand il envisage de faire des investissements. Il en va de même pour les tendances. Concernant les garagistes, c’est plutôt le rôle de l’UPSA de suivre les tendances qui se dessinent dans la science, les médias et la politique. C’est le rôle du garagiste lambda, en revanche, de découvrir celles qui ont du succès auprès de la clientèle.
De la perspective de la branche automobile, l’évolution politique de ces dernières années, particulièrement perceptible aujourd’hui, était-elle prévisible ?
L’intensité actuelle des débats sur le climat n’était pas prévisible. L’année électorale en Suisse, à laquelle les élections dans le canton de Zurich ont donné le ton, explique cette ardeur. Les manifestations de rue ont en outre maintenu la pression, éveillé des jeunes à la politique et influencé les campagnes électorales des partis. Si l’on excepte les facteurs qui ont amplifié les débats sur le climat, l’émergence de ce thème était prévisible. La politique climatique, qui vise à instaurer des mesures applicables à tout le monde, occupe la communauté internationale depuis des années. En Suisse, les premiers pas vers la mise en œuvre de l’accord de Paris, adopté en 2015 et en vigueur depuis 2016, ont été réalisés en 2017.
Le parc automobile suisse est en plein essor, la voiture plus appréciée que jamais. Autrefois symbole de liberté et d’indépendance, cette dernière n’a pourtant jamais subi une si forte pression du monde politique. Comment expliquez-vous ce retournement ?
Le parc automobile est une histoire de consommation. La pression, elle, vient de la politique. Ces deux mondes s’entrechoquent. L’idée de limiter drastiquement la mobilité n’est pas très porteuse, mais celle d’optimiser les formes d’organisation, en revanche, l’est. Le besoin d’efficacité plaide en faveur du développement des transports publics et de la réduction des déplacements privés. Il plaide en faveur de mesures incitatives, telles que l’amélioration de l’offre en places de parc ou la promotion de la mobilité douce, auxquelles s’attèlent aujourd’hui de nombreuses villes. L’évolution des valeurs a, de plus, transformé la perception de la voiture. Elle n’est plus un symbole de liberté aux yeux de tout le monde. La plupart des gens la considèrent comme un instrument auquel ils recourent, mais ils ne la célèbrent plus comme un symbole de statut.
Quelles répercussions la nouvelle composition du Parlement aura-t-elle sur l’évolution à moyen terme de la mobilité ? Et comment se positionne le nouveau Parlement par rapport au trafic individuel motorisé ?
La politique en matière de CO2 sera le premier grand thème abordé par les élus. Elle concerne toutefois davantage le trafic aérien que le trafic automobile. Il est par ailleurs déjà possible d’entrevoir d’autres thèmes, tels que le mitage du paysage, le chauffage domestique ou la consommation de viande. La tendance à la mobilité sans énergie fossile est le thème le plus intéressant pour le trafic motorisé. Le délai pour la transition à la mobilité non fossile est certes plus long que le mandat du nouveau Parlement, mais il n’est pas si lointain : on parle en effet de 2030. Il ne faut pas non plus oublier que la mobilité est très souvent régie et gérée localement. Les villes jouent ici un rôle de moteur. Elles arguent que la nouvelle organisation du trafic améliore la qualité de vie de leurs habitants et rend ainsi les villes plus attrayantes. Cette tendance va se poursuivre.
À quoi la branche automobile doit-elle s’attendre ?
Je pense que la politique va définir des objectifs qui devront avoir l’aval de l’électorat puis seront poursuivis en plusieurs étapes. La transition énergétique démontre que ce type de processus prend du temps. La catastrophe de Fukushima a eu lieu en 2011, la votation populaire entérinant la sortie du nucléaire en 2017. Depuis, on parle surtout des répercussions pour les cantons, où la situation stagne.
Certaines personnes ne considèrent pas seulement l’évolution dynamique de l’industrie automobile comme un phénomène économique, mais comme une bombe à retardement aux échelles politique et sociétale. Qu’en pensez-vous ?
Contrairement aux pays voisins, la Suisse ne dispose pas d’une industrie automobile notable. La question n’est donc pas une priorité. Les solutions politiques sont rarement radicales dans une démocratie directe. Nous sommes habitués à prendre des décisions avec circonspection sur la base des informations disponibles.
Dans quel contexte préférez-vous conduire ?
Je conduis très rarement ; j’utilise principalement les transports publics depuis 35 ans. Nous avons toutefois une petite Opel, qui peut être utile en ville, ainsi qu’un cabriolet. Rien ne remplace une sortie automnale en décapotable au soleil couchant.
Restez informé et abonnez-vous à la newsletter AGVS !
kro. Claude Longchamp, vous allez intervenir sur les tendances sociétales et leurs répercussions sur la branche automobile lors de la prochaine Journée des garagistes suisses. Quelle importance les débats sur le climat revêtent-ils pour la branche automobile?
Claude Longchamp: Ils sont importants, c’est certain. Il s’agit là d’une problématique mondiale qui influence la politique aux échelles nationale et internationale. Elle va redéfinir l’offre de l’industrie automobile. La politique, quant à elle, va redéfinir les conditions-cadres pour les producteurs et les consommateurs.
Quels sont les éléments nécessaires pour qu’une tendance marque la société ?
Les tendances sont de nouvelles conceptions qui déclenchent une évolution jusque-là imprévisible. Les tendances sociétales, par conséquent, sont des changements de perception qui touchent la cohabitation. La durabilité des changements et le nombre de personnes qu’ils touchent, par exemple, en sont des éléments déterminants. À cela s’ajoutent les acteurs du changement, qui désirent l’accélérer ou le freiner.
Est-il possible de repérer les tendances dès leur émergence ? Si oui, comment ?
Oui et non. La détection précoce s’occupe de l’observation de nouvelles tendances. Elle se concentre sur des domaines particulièrement sensibles, tels que la science, ou sur des acteurs doués d’une grande assertivité, tels que les médias, le Gouvernement et le Parlement. La difficulté consiste à évaluer la durabilité des changements. Il ne s’agit pas nécessairement d’une évolution de l’opinion publique, mais plutôt de changements structurels. La plupart du temps, il s’agit d’une évolution des valeurs, formée d’une suite de transformations dont les conséquences ne sont pas claires.
Quel rôle les médias jouent-ils quand il s’agit de déterminer si une tendance va se poursuivre ou s’éteindre ?
Le rôle des médias de masse est de rendre publiques les transformations pour qu’elles deviennent négociables par la sphère politique et par la société. Les médias jouent cependant selon leurs propres règles : ils sont versatiles, repèrent rapidement les tendances mais s’en détournent très vite lorsqu’un nouveau cycle de transformations émerge. Les médias sont avant tout pertinents quand il s’agit de thèmes prédominants. Ils amplifient alors clairement la tendance : un effet bienvenu dans le cas de problèmes trop vite évincés, mais parfois importun dans le cas de problèmes évidents. Cela présuppose que l’utilisateur soit ouvert à l’information mais critique vis-à-vis des médias.
Que peut faire le garagiste lambda pour se préparer aux transformations à venir ? Il n’a pas le temps de s’occuper des tendances et de leur évolution.
En effet, mais tout bon entrepreneur sait qu’il doit observer le terrain, surtout quand il envisage de faire des investissements. Il en va de même pour les tendances. Concernant les garagistes, c’est plutôt le rôle de l’UPSA de suivre les tendances qui se dessinent dans la science, les médias et la politique. C’est le rôle du garagiste lambda, en revanche, de découvrir celles qui ont du succès auprès de la clientèle.
De la perspective de la branche automobile, l’évolution politique de ces dernières années, particulièrement perceptible aujourd’hui, était-elle prévisible ?
L’intensité actuelle des débats sur le climat n’était pas prévisible. L’année électorale en Suisse, à laquelle les élections dans le canton de Zurich ont donné le ton, explique cette ardeur. Les manifestations de rue ont en outre maintenu la pression, éveillé des jeunes à la politique et influencé les campagnes électorales des partis. Si l’on excepte les facteurs qui ont amplifié les débats sur le climat, l’émergence de ce thème était prévisible. La politique climatique, qui vise à instaurer des mesures applicables à tout le monde, occupe la communauté internationale depuis des années. En Suisse, les premiers pas vers la mise en œuvre de l’accord de Paris, adopté en 2015 et en vigueur depuis 2016, ont été réalisés en 2017.
Le parc automobile suisse est en plein essor, la voiture plus appréciée que jamais. Autrefois symbole de liberté et d’indépendance, cette dernière n’a pourtant jamais subi une si forte pression du monde politique. Comment expliquez-vous ce retournement ?
Le parc automobile est une histoire de consommation. La pression, elle, vient de la politique. Ces deux mondes s’entrechoquent. L’idée de limiter drastiquement la mobilité n’est pas très porteuse, mais celle d’optimiser les formes d’organisation, en revanche, l’est. Le besoin d’efficacité plaide en faveur du développement des transports publics et de la réduction des déplacements privés. Il plaide en faveur de mesures incitatives, telles que l’amélioration de l’offre en places de parc ou la promotion de la mobilité douce, auxquelles s’attèlent aujourd’hui de nombreuses villes. L’évolution des valeurs a, de plus, transformé la perception de la voiture. Elle n’est plus un symbole de liberté aux yeux de tout le monde. La plupart des gens la considèrent comme un instrument auquel ils recourent, mais ils ne la célèbrent plus comme un symbole de statut.
Quelles répercussions la nouvelle composition du Parlement aura-t-elle sur l’évolution à moyen terme de la mobilité ? Et comment se positionne le nouveau Parlement par rapport au trafic individuel motorisé ?
La politique en matière de CO2 sera le premier grand thème abordé par les élus. Elle concerne toutefois davantage le trafic aérien que le trafic automobile. Il est par ailleurs déjà possible d’entrevoir d’autres thèmes, tels que le mitage du paysage, le chauffage domestique ou la consommation de viande. La tendance à la mobilité sans énergie fossile est le thème le plus intéressant pour le trafic motorisé. Le délai pour la transition à la mobilité non fossile est certes plus long que le mandat du nouveau Parlement, mais il n’est pas si lointain : on parle en effet de 2030. Il ne faut pas non plus oublier que la mobilité est très souvent régie et gérée localement. Les villes jouent ici un rôle de moteur. Elles arguent que la nouvelle organisation du trafic améliore la qualité de vie de leurs habitants et rend ainsi les villes plus attrayantes. Cette tendance va se poursuivre.
À quoi la branche automobile doit-elle s’attendre ?
Je pense que la politique va définir des objectifs qui devront avoir l’aval de l’électorat puis seront poursuivis en plusieurs étapes. La transition énergétique démontre que ce type de processus prend du temps. La catastrophe de Fukushima a eu lieu en 2011, la votation populaire entérinant la sortie du nucléaire en 2017. Depuis, on parle surtout des répercussions pour les cantons, où la situation stagne.
Certaines personnes ne considèrent pas seulement l’évolution dynamique de l’industrie automobile comme un phénomène économique, mais comme une bombe à retardement aux échelles politique et sociétale. Qu’en pensez-vous ?
Contrairement aux pays voisins, la Suisse ne dispose pas d’une industrie automobile notable. La question n’est donc pas une priorité. Les solutions politiques sont rarement radicales dans une démocratie directe. Nous sommes habitués à prendre des décisions avec circonspection sur la base des informations disponibles.
Dans quel contexte préférez-vous conduire ?
Je conduis très rarement ; j’utilise principalement les transports publics depuis 35 ans. Nous avons toutefois une petite Opel, qui peut être utile en ville, ainsi qu’un cabriolet. Rien ne remplace une sortie automnale en décapotable au soleil couchant.
Inscrivez-vous maintenant à la Journée des garagistes suisses
Claude Longchamp sera présent à la Journée des garagistes suisses en tant qu’intervenant, le 14 janvier 2020 au Kursaal de Berne. De plus amples informations sur les autres intervenants et sur le programme, ainsi que sur les modalités d’inscription, figurent sur: upsa-agvs.ch/colloque2020.
Claude Longchamp sera présent à la Journée des garagistes suisses en tant qu’intervenant, le 14 janvier 2020 au Kursaal de Berne. De plus amples informations sur les autres intervenants et sur le programme, ainsi que sur les modalités d’inscription, figurent sur: upsa-agvs.ch/colloque2020.
Ajouter un commentaire
Commentaires